Dans ce nouveau numéro, Revue Epic nous invite à nous pencher sur les traces du passé et les causes de ce qui fait le “flou de la situation historique", pour paraphraser le Duc d'Auge, personnage médiéval que Raymond Queneau fait voyager à travers les âges dans Les fleurs bleues.

— Tant d'histoires, dit le duc d'Auge au duc d'Auge,

tant d'histoires, pour quelques calembours, quelques anachronismes.

Je trouve cela misérable. On n'en sortira donc jamais ?

Au sommaire: Un hommage aux femmes paysannes dans une très belle série de portraits signée Alexis Vettoretti,

Un début de tour d’horizon de pays “qui n’existent pas” par le duo de Photographes italiens Lavinia Parlamenti et Manfredi Pantanella.

Un portrait en noir et blanc, bouleversant de poésie, par Dina Oganova.

Les joies, les frustrations, la douceur du sentiment maternel aux premières années de l’enfance, par Lisa Sorgini.

Paysannes

Alexis Vettoretti

Toutes sont nées après la première guerre mondiale. Toutes ont vu, connu et expérimenté l’ensemble des bouleversements du monde agricole du siècle passé. Toutes étaient des « femmes de », des « filles de », toujours au second plan des fermes hexagonales. Alexis Vettoretti a choisi d’enfin valoriser leurs existences par cette série de portraits en huis clos touchante, belle et essentielle.

Atlas - des pays qui “n’existent pas”

Lavinia Parlamenti & Manfredi Pantanella

En observant les disparités et les similitudes présentes dans cinq pays non reconnus par l’onu : Transnistrie, République de Chypre du nord, catalogne, Sahara Occidental et République de l’artsakh, Lavinia parlamenti et Manfredi pantanella posent une question simple : qu’est-ce qui définit un pays ? Assumant une esthétique de l’absurde et un humour décalé, leur quête ne cherche pas à répondre à cette question : qui le pourrait ? Elle en fait naître cependant une kyrielle d’autres. Le propre de la photo documentaire.

Mon nom est géorgie

Dina Oganova

Depuis plus de vingt ans — sans doute depuis qu’elle tient en main un appareil photo — Dina Oganova photographie son pays, la Géorgie. Sa série d’images aux noirs et blancs intenses se construit comme une lettre d’amour à ses montagnes, aux rives de la mer Noire et à toutes les scènes du quotidien qu’elle peut capter de Tbilissi à Batumi. Ses images pourraient être documentaires, elles sont surtout le reflet de ce qu’elle ressent au fond d’elle et qu’elle souhaite simplement transmettre.

Édito

Être détaché de l'actualité ne dispense pas de se pencher sur les causes de ce qui fait le « flou de la situation historique », pour paraphraser le duc d'Auge.

Ainsi, Alexis Vettoretti nous invite à plonger dans le blanc du blanc des yeux de femmes nourricières de la terre. Photographiées dans leur cuisine — c’est-à-dire la place qui leur était assignée — ces paysannes racontent une histoire d'acceptation, d'abnégation et de dévouement. Une histoire de femmes d'aujourd'hui.

Loin, examinant attentivement certains phénomènes usés avec leur Atlas des pays qui n'existent pas, le duo de photographes italiens Lavinia Parlamenti et Manfredi Pantanella, nous propose de réviser notre carte du monde. Ces deux-là ont débusqué pour nous les scènes de vie souvent ubuesques de pays qui revendiquent une reconnaissance sur la scène internationale et nous posent une question à laquelle plus personne ne semble en mesure de répondre : qu'est-ce qu'un pays ?

Dina Oganova, photographe géorgienne, autre pays que l'histoire récente n'a pas épargné, condamné à une attitude de résignation, nous fait devenir petite souris dans ses montagnes, sur ses côtes, ou dans les rues de sa capitale. Que disent ses images ? Qu'un pays, c'est un endroit que l'on aime.

Et quand on aime, aussi simplement que cela paraisse, il faut le dire, et le montrer, comme on le montre, d'instinct, à des enfants qui viennent de naître ou s'apprêtent à voir le jour. C'est là tout le travail de Lisa Sorgini, photographe australienne et jeune maman, qui interroge quant à elle le sentiment de maternité.

Lequel, n'est rien d'autre en somme qu'une métaphore de notre humanité. En son royaume — sa cuisine — la paysanne règne, quand la mère elle, se dévoue pour ses petits princes ou princesses. Et si chacun est souverain à son niveau, qui a jamais dit que cette condition était enviable ?

— Jean-Matthieu Gautier & Ambroise Touvet

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